| Sujet:The Red Queen - Kamila Singh Sam 24 Juin - 3:09 | |
| Une salle munie des plus beaux ornements, un public m’observant avec déférence, un terrestre au bout de mes crocs, attendant patiemment que je lui donne l’impression qu’il a été essentiel. Le pouvoir, un pouvoir absolu, celui d’une Reine, ce pouvoir ne s’est pas créé en un jour, se révélant dans la même magnifique qu’en ces dernières nuits. Il a dû être cultivé depuis les méandres de la médiocrité terrestre, dans la chaire et le sang des mortels, principalement dans le mien, oh quelle inconsciente étais-je de penser connaitre le vrai pouvoir. C’est à peine si je me souviens de cette époque, un temps révolu depuis des siècles, une existence bien fade par rapport à celle que je vis. Je me souviens de ma famille, je possédais des frères, des sœurs, leur nombre exact ou nom n’est qu’un détail que la faim, la maladie et la guerre ont réglé en leur temps.
Je me souviens de la précarité, de l’absurdité d’essayer de vivre un jour de plus dans l’espoir qu’un jour tout aille pour le mieux, oubliant notre décimation sous la foi. J’étais une bonne hindoue, je croyais en l’équilibre, en la réincarnation, qu’un jour le cycle se brise et me permette de m’élever au-dessus de ce monde. Enfin ne faire qu’un avec l’univers, je ne savais pas que j’obtiendrais l’éternité d’une autre manière, il est dur de se souvenir des détails. Je me souviens de la mort, de mon frère agonisant enfant dans son lit, la maladie, de ma sœur n’ayant pas eu le droit à sa première bouffée d’air à la naissance. Un est mort en combattant pour les Moghols, un dévorer par une bête sauvage, un s’est marié et a eu des enfants, s’installant comme fermier, un sort pire que la mort.
Je le sais, je l'ai moi-même vécue, un mariage de convenance, mon corps était une valeur marchande à donner, pour mon bien, pour ce devoir sacré de procréer. Tel était mon destin, celui d'une femme au foyer, n'existant que pour servir, ce n'était pas l'enfer, je n'étais pas maltraitée, mais l'ennui était palpable. Ma première nuit charnelle avec mon époux, ma première corvée ménagère à mon nouveau domicile, ma première grossesse, tant de nouvelles expériences s'ouvraient à moi. Je me souviens de la douleur, de ce couteau enfoncer dans tout mon être, tout du moins du ressenti de l'accouchement, une expérience que j'espérais ne plus jamais retenter. Malheureusement pour moi, un n'est jamais assez, il était temps pour moi de réitérer cette merveilleuse sensation de mourir pendant de si longues minutes. Je n'avais jamais aimé les enfants, je savais ce qui m'attendait un jour
Mais il y a pire que d’avoir l’impression de n’être que là pour engendrer, il y a le jour où contre toute attente l’on s’attache à cette minuscule vie, cette part de soi-même. Ces petites mains qui tiennent les miennes comme s’il savait qui j’étais, on a vécu les peines et les joies ensemble pendant tant de mois et désormais il me reconnaissait. Il me serrait, jours après jours un petit peu plus fort, jusqu’à que lui aussi commence à faner comme une fleur, il n’y a rien à faire, seulement attendre. J’attends, je prie les dieux, je pleure, il meurt, je suis impuissante, la seule chose de ma vie s’était éteinte et je ne pouvais rien faire. Mais mon devoir était de continuer, si un échoue, l’autre réussira, la peine s’effacera car c’est mon rôle, le cycle recommence et je me promets de ne plus aimer.
Ma volonté était aussi inutile que la première fois, je ne pouvais pas ne pas aimer mon bébé, ma petite fille, celle-ci à le temps de grandir, je peux voir son sourire. Il s’agrandit à mesure que les dents poussent et je ne peux que lui sourire en retour, elle pense que le monde lui appartient, je lui donnerais bien si je le pouvais. Elle tombe et se cogne la tête, pas d’attente cette fois, seulement la brutale vérité, la raison de mon existence, celle de voir tous mes enfants disparaitre les uns après les autres. Un, deux, le temps continuait son cour, un mourrait en bas âge, l’autre atteignait l’enfance, donnant de l’espoir à toute sa famille, fort et déterminer, cela n’a pas suffi. Je ne me souviens pas si j’ai pleuré pour celui-ci, si autre chose que le vide habitait mon esprit en ce moment fatidique, je me souviens être sortie de chez moi.
Longeant le bord de la route, m’enfonçant dans la jungle, là assise près d’un rocher, attendant que le froid ne me prenne, impassible, les heures défilaient jusqu’à ce moment. Je l’avais entendu arriver, la bête au visage de femme, la faim dans son regard, elle était effrayante, un démon, mais je ne fuyais pas, je ne tremblais pas. J’attendais la mort à bras ouvert, mais elle ne vint pas dans l’immédiat, se contentant de roder autour de ma vie alors que la bête s’asseyait à mes côtés. Elle semblait apaiser, curieuse de ce souhait de mort m’habitant, de cette fatalité que je ressentais, je lui expliquais donc la pathétique histoire de ma vie. Nous avions discuté un long moment, des heures, cela semblait avoir été une éternité, je pouvais toujours sentir sa faim, son dévorant désir de me prendre pour elle dans la nuit.
Je n’ai rien fait pour l’empêcher de me caresser le visage, la laissant approcher ses lèvres si proche de mon cou, je me souviens encore de la douleur, de ma mâchoire se serrant. Du grognement de plaisir de la bête alors qu’elle se délectait de mon essence vitale, mais au milieu de cette douleur vint une chose inattendue, un plaisir contre nature. Bientôt il n’y avait plus qu’elle et moi, la souffrance de mon cœur s’envolant au loin sous les crocs de ma compagne, mes problèmes, ma vie, tout semblait dérisoire à présent. Je ne faisais rien tandis que je sentais ses mains devenir de plus en plus aventureuse, le goût du sang parvenant bientôt dans ma bouche, je ne comprenais pas, mais cela m’importait peu. C’était malsain, contre nature, mais pourquoi était-ce tellement plaisant ? Pourquoi la pire nuit de ma vie était également la meilleure ?
La nuit où j’ai véritablement revis après toutes ces années de marasme, la nuit où je suis morte, revenant encore une à, mais différemment, plus forte, éternelle. Devoir m’extirper de la terre creuser au milieu de la nature n’avait été qu’une formalité, elle était présente à mes côtés et je ne souffrais plus, mais animer par une chose bien plus forte. Je ne me souviens plus combien de personnes ont été vidé par mon désir, cela ne m’importait plus, seule ma douce et moi représentaient encore un intérêt à mes yeux. Nous nous gorgions du sang des coupables, des innocents, peu nous importait, à ses côtés j’apprenais tant de choses à propos du monde, de ma nature, de moi-même. La mort m’avait bien plus apporté que la vie, peut-être jamais plus je ne pourrais observer un lever de soleil, mais désormais je pouvais aller où mon envie me portait.
Nous avons tout visité, les reines du monde, je l’aimais, la vénérais, elle qui m’avait tout donné, les siècles défilaient, mais notre passion n’en était que plus forte. J’aurais dû deviner ce qu’il allait arriver, cela avait toujours été mon destin, celui de voir ceux que j’aime partir, peut-être était-ce notre faute, le loup garou était trop puissant une nuit de pleine lune. J’avais déjà ressenti la mort de mes enfants, mais pas comme cela, pas avec une telle connexion, je souhaite cela à personne, je me retrouvais à nouveau seule. Cette fois je continuais à aller de l’avant, faisant ce qu’aurait voulu ma douce, atteignant le niveau que je mérite, mais l’éternité est longue, spécialement seule. Avant même que je n’y fasse véritablement attention, j’engendrais à nouveau, puis encore et encore, propageant ma bénédiction, créant encore une fois une famille, des enfants plus forts que ma chair d’autrefois.
Des êtres qui me serviraient et m'aimeraient comme je le mérite, apprenant au fur et à mesure à voir toutes les belles choses de ce monde et à me complaire dedans. Mais au bout d''un certain temps, la vie au grès du vent à ses limites, toute Reine a besoin d'une cour et d'un royaume, quoi de mieux que l'ancienne plus puissante monarchie du monde ? Londres, une ville au cœur battant, aux nombreux touristes, aux millions d'habitants vivant au rythme de la nuit, une destination de choix pour mes desseins. Depuis les cendres de l'ancien nid annihiler par les chasseurs d'ombres pouvaient à nouveau s'élever un nid, un lieu accueillant ma famille toujours plus grandissante, que ce soit par le sang ou l'adoption. Un lieu où le sang coulera à flot, où les Terrestres se couchent à mes pieds et où tous voient l'avenir de notre espèce et celle qui dirigera.
Dernière édition par Kamila Singh le Sam 24 Juin - 3:33, édité 2 fois |
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