Maman,
J’avais besoin de coucher ces mots sur papier, de te parler et de croire que, où que tu sois, tu m’entendrais. Cette lettre n’a nul autre destin que de brûler, mais pendant un instant, je pourrais être honnête envers moi-même et retrouver un peu de la relation que nous entretenions, il y a de bien longues années.
Je suis retourné à l’Institut de New-York et je me demande si ce n’était pas une mauvaise idée en fin de compte. J’imaginais que le travail de précepteur serait valorisant et me permettrait de continuer à faire ce que je fais de mieux (traquer et tuer des démons) mais j’ai quelques doutes, les jeunes de l’institut semblent… apprécier leur autonomie. Lorsque j’en observe certains en train de s’entraîner je me demande même si j’ai beaucoup à leur apprendre…
Mais ne crois pas que je regrette quoi que ce soit, j’ai pris cette décision en sachant que le travail qui m’attendait serait imposant. C’est le cas et je réussirai ma mission, je ferai de ces adolescents prétentieux les meilleurs chasseurs d’ombres de leur génération.
En fait, ce qui me perturbe autant, et qui me bouleverse, c’est le fait d’être de retour dans ce lieu. Cet institut que je considère pratiquement comme ma maison… La seule maison que j’ai véritablement eut, et que j’ai fui lorsque vous m’avez été arrachés. Chaque pièce trouve échos dans mes souvenirs, je revis la presque totalité de mon enfance et ça fait mal. Ma solitude me saute alors aux yeux et… j’ai honte. Honte de celui que je suis devenu. J’ai peur, peur d’être le dernier Brightstone et d’être un pâle reflet de mes ancêtres. Je me sens égaré, et je regrette tellement de ne pouvoir me confier à toi, de ne pouvoir écouter tes conseils avisér et sentir le poids qui oppresse actuellement ma poitrine s’envoler. Je regrette de ne plus sentir la chaleur de ton sourire, tes caresses réconfortantes et plus encore, tes plats hallucinants. Je dois avouer que je n’ai pas hérité de tes talents de cuisinière alors je triche et mets de la cannelle dans tous mes plats (parfois même aussi dans quelques boissons).
Tu me manques.
Papa me manque.
Monroe me manque.
Être à New-York, c’est comme mettre du sel sur une vieille plaie mal suturée. Il est temps que je serre les dents et que je soigne cette infection. Je ne pourrai jamais changer ce qu’il s’est passé. Je ne te retrouverai jamais -du moins de mon vivant, j’espère bien te retrouver lorsque je passerai l’arme à gauche- et je vais devoir vivre avec. Et tout ce bouillonnement qui m’habite, je le dissimule.
Je suis un Shadwohunter. Je dois être imperturbable et exceller, il n’y a pas de place pour la nostalgie. Je ne suis plus un enfant, j’ai fait mon deuil il y a bien longtemps, mais je commence à comprendre que, malgré votre absence, vous faites encore partie de moi. Vous êtes ma famille, et la seule que je n’aurais jamais. C’est probablement la raison pour laquelle je ne cesse de bouger. Un jour peut-être je cesserais de fuir… Mais ce jour n’est pas encore arrivé.
Aujourd’hui, je vais devenir Monsieur le précepteur et montrer à des morveux comment on tue un démon sans se décoiffer.
Louka, ton fils qui t’aime et t’aimeras toujours.